Mon cœur en lambeau |
Si l'amour n'existe pas, O Dieu, alors
qu'est-ce que je ressens?
Et si l'amour existe, quelle chose est-il,
qui n'est pas le néant?
Si l'amour est bon, d'où vient mon
malheur?
S'il est mauvais, une merveille, il me
semble, en demeure,
Quand chaque adversité et tourment
Qui viennent de lui, me semblent nectar
gourmand,
Car plus j'en ai soif, plus j'en suis
buveur.
Et s'il vient de mon propre désir que ma
brûlure jamais ne soit extincte,
D'où viennent mes gémissements et ma
plainte?
Si mes maux m'agréent, alors à qui est-ce
que me plains?
Je ne sais pourquoi, infatigable, je n'en
défaille pas moins.
O mort vivace, O doux coup, aux si
désuètes arrière-pensées,
Comment, se peut-il, de toi, y avoir, en
moi, si grande quantité,
A moins que je ne consente que tu sois
ainsi invité?
Et si j'y consens, elle est à ma charge
Ma plainte, vraiment: Ainsi ballotté de
long en large
Sans gouvernail, dans un bateau je suis;
Au milieu de la mer, deux risées essuie,
Qui toujours l'une contre l'autre, soufflent
batailleuses.
Hélas! Quelle est cette maladie
merveilleuse?
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